Ces courts voyages en lecture invitent à flâner, observer, apprendre, guidé par un passé qui a marqué les lieux et qui, bien souvent, nous concerne à travers la colonisation. Ils ont pour ambition de procurer des moments d'évasion, mais aussi d'ouvrir des portes sur le destin des peuples.

Le quartier des squares

En levant la tête, vous remarquerez, au-dessus du porche, un soleil rond en bois, plaqué sur le mur.

Ni monuments historiques, ni perspectives grandioses dans le 15e arrondissement. Le “ Quinzième ” est un refuge pour les balades improvisées, le long d’avenues ombragées ou de rues commerçantes, à l’écart de la foule et du Paris touristique. Le 15e arrondissement est le produit de l’extension de Paris vers le Sud au milieu du dix-neuvième siècle. On y trouve une marque caractéristique du l’urbanisation du Second Empire : le square parisien, petit espace de respiration dans la densité urbaine.

La majorité de ces jardins publics sont contemporains. Avec une belle régularité, les mêmes éléments s’y côtoient : des voies de terre battues bordées de bancs publics, des pelouses plantées d’arbres, le kiosque à musique solitaire, l’aire de jeu pour les enfants, les portillons d’entrée métalliques qui grincent lorsqu’on les pousse. La mairie du Quinzième diffuse une carte des squares du quartier. Demandez-la à l’accueil. Cette mairie constitue, de surcroît, un excellent point de départ pour une balade : un ancien maire du Quinzième, Adolphe Chérioux, donne son nom au square mitoyen. 

Deux curiosités sont à signaler à proximité du square Chérioux. la première s’adresse plus particulièrement aux amateurs d’architecture. Presqu’en face de la sortie du métro, un grand porche ouvre le square Vergennes : il s’agit d’une allée privée, mais rien n’empêche d’aller admirer, au fond de cette impasse, la façade ornée d’un vitrail, de l’ancienne maison du maître-verrier Louis Barillet. Elle est signée Rober Mallet-Stevens. 

La seconde curiosité est au numéro 26 de la rue de Vaugirard. En levant la tête, vous remarquerez, au-dessus du porche, un soleil rond en bois, plaqué sur le mur. Vous serez au pied de l’ancienne auberge du Soleil d’Or, haut lieu de conspiration dans la tourmente révolutionnaire. En 1796, l’auberge du Soleil d’Or fut le foyer d’une tentative de renversement du gouvernement thermidorien. Assaillis dans l’auberge, centre-trente conjurés furent arrêtés, cinquante-trois exécutés. 

inter.jpg

De l’esplanade de la mairie, vous apercevez le square Saint-Lambert. Traversez-le pour rejoindre la rue des Entrepreneurs. Continuez tout droit : le square Violet est à deux pas. ce jardin est l’un des plus agréables de l’arrondissement, et sans doute le plus paisible. Il a été aménagé dans l’ancien parc de la propriété de Léonard Violet, l’un des fondateurs du village de Beaugrenelle (la maison, contiguë, abrite de nos jours une caserne de pompiers).

Front de Seine, Beaugrenelle est aujourd’hui un quartier d’affaires typique de l’urbanisme parisien des années soixante : terrasse suspendue, tours, centre commercial. Place Charles-Michel, vous trouverez l’un des marchands de journaux les mieux approvisionnés en presse international de la capitale. 

Vous rejoindrez l’Imprimerie Nationale, rue de la Convention, en dix minutes à pied. Tous les documents dépendant de l’Etat y sont imprimés. Une statue de Gutenberg trône dans le parc de l’établissement. La date de 1640 figurant sur la grille renvoie à l’année de création de la première Imprimerie Royale sous Richelieu. L’imprimerie nationale n’est pas seulement une institution : elle est la gardienne d’une tradition. Seules les visites de groupe sont autorisées. Elles n’ont lieu qu’une fois par semaine et nécessitent l’envoi d’une demande écrite au directeur de l’Imprimerie nationale. 

En revanche, la librairie, rue de la Convention, est ouverte en semaine. Des ouvrages de prestige, dédiés à l’art de l’imprimerie, y sont exposés. Il règne dans cette librairie une atmosphère de sanctuaire d’objets rares, à l’abri des contraintes économiques. 

Pour gagner le pont de Grenelle, longez la Seine, côté quai, à partir du rond-point du pont Mirabeau. Au milieu du pont, la version parisienne de la statue de la Liberté, réalisée par Auguste Bartholdi, dresse son flambeau doré vers sa réplique géante new-yorkaise. L’allée des Cygnes débute derrière le monument. Cette perpective occupe la plate-forme d’une digue érigée en 1825 entre les ponts de Grenelle et de Bir-Hakeim. Elle est devenue une sorte d’île rectiligne agrémentée d’arbres, longue de 850 mètres. L’allée des Cygnes s’achève sur un point de vue où trône une statue équestre pointant une épée : « La France renaissante ».

inter.jpg

Au pont Bir-Hakeim, prenez le métro aérien et descendez à la station suivante : Dupleix. Le square Dupleix est à cent mètres. La curiosité, ici, tient à l’église édifiée en face. Ses lignes douces, sa composition en briques polies, sa couleur ocre pâle : il émane de l’église Saint-Léon une atmosphère presque orientale, encore plus présente lorsqu’on pénètre à l’intérieur. Les hautes voûtes, décorées de mosaïques, baignent dans une lumière jaune voilée, uniforme et apaisante, tombant des vitraux. D’inspiration art déco, l’église, construite de 1925 à 1934, honore le pape Léon le Grand. Les vitraux de l’abside et des bas côtés sont l’œuvre de Louis Barillet.

De square Dupleix, il faut cinq minutes à pied pour atteindre le Village Suisse, paradis des chineurs fortunés. Le nom de cet endroit renvoie à l’Exposition universelle de 1900. C’est aujourd’hui un marché d’arts et d’antiquités. Tout y est extrêmement cher. Ensemble de ruelles et de placettes, le Village Suisse mérite d’être arpenté en long et en large, pour le plaisir des yeux. L’endroit est connu pour ses antiquités marines et ses très belles pièces art déco. 

La balade du Quinzième arrondissement pourrait s’achever à l’une des terrasses de cafés de l’avenue de la Motte-Picquet ou au Kinopanorama, une des dernières grandes salles de cinéma de Paris. Cependant, pas très loin, un lieu très peu connu mérite une dernière : le musée de l’Institut Pasteur. Il est situé au numéro 25 de la rue du Docteur-Roux, dans l’ancien appartement du savant, disparu en 1985. On y découvre une épopée médicale et scientifique et l’intérieur d’un humaniste du dix-neuvième siècle. 


L’ancien site de l’Imprimerie Nationale (de 1903 à 2005), au 27, rue de la Convention, abrite aujourd’hui des services du ministères des Affaires étrangères. L’Imprimerie Nationale a déménagé dans le 17e arrondissement. La librairie de l’Imprimerie Nationale n’existe plus.

L’église Saint-Léon est classée au patrimoine du XXe siècle.

 


Vert, bleu, blanc, noir

Renvoi à l'expéditeur